Les femmes sont actuellement sous-représentées dans les secteurs où l’emploi est en croissance, notamment ceux du génie et des technologies de l’information et des communications. (Photo : vgajic/iStock par Getty Images) Les femmes sont actuellement sous-représentées dans les secteurs où l’emploi est en croissance, notamment ceux du génie et des technologies de l’information et des communications. (Photo : vgajic/iStock par Getty Images)

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Les femmes, la technologie et l’avenir du travail

Les méthodes de travail évoluent à une vitesse inédite. La numérisation, l’intelligence artificielle et l’apprentissage machine contribuent, par l’automatisation, à la disparition de nombreuses tâches répétitives peu ou moyennement spécialisées.

Selon une étude récente, cette tendance à l’automatisation nuira plus particulièrement aux femmes.

En moyenne, le risque d’une perte d’emploi imputable à l’automatisation est de 11 % pour les femmes et de 9 % pour les hommes. L’automatisation fait certes perdre leur emploi à de nombreux hommes, mais nous estimons à 26 millions le nombre de femmes dans 30 pays qui courent un risque élevé de perdre le leur d’ici 20 ans pour cause de progrès technologiques. Selon notre étude, la probabilité que leurs emplois soient automatisés est de 70 % pour les femmes, ce qui représente 180 millions d’emplois à l’échelle mondiale.

L’égalité des sexes au travail passe obligatoirement par la compréhension des effets que ces tendances ont sur la vie des femmes.

Que peut-on faire aujourd’hui pour garantir la participation des femmes à l’économie sans pour autant renoncer à l’automatisation du travail?

Risque accru pour les femmes

Les gains durement acquis grâce aux mesures visant à augmenter le nombre de femmes au sein de la main-d’œuvre rémunérée et à promouvoir l’équité salariale entre les femmes et les hommes pourraient rapidement s’évanouir si les femmes étaient cantonnées aux secteurs et aux emplois les plus exposés à l’automatisation.

  • Les femmes de 40 ans et plus et celles qui occupent des postes administratifs, de services et de vente courent un risque disproportionné.
  • Près de 50 % des femmes possédant au mieux un diplôme d’études secondaires courent un risque élevé de perdre leur emploi à cause de l’automatisation du travail, comparativement à 40 % des hommes dans la même situation. Pour les femmes titulaires d’un diplôme universitaire de premier cycle ou de cycle supérieur, ce risque est de 1 %.

 

Le graphique ci-dessous illustre l’effet de l’automatisation du travail dans plusieurs pays. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, le risque est plus ou moins le même pour les hommes et les femmes. Au Japon et en Israël, les emplois des femmes sont plus vulnérables à l’automatisation que ceux des hommes, et en Finlande, les femmes courent un risque moindre.


Possibilités et obstacles

Les femmes sont actuellement sous-représentées dans les domaines où l’emploi est en croissance, comme le génie et les technologies de l’information et des communications. Dans le secteur des technologies, les femmes sont 15 % moins susceptibles que les hommes d’occuper un poste de direction ou d’encadrement, et 19 % plus susceptibles d’occuper des postes de commis ou de préposée aux services, exécutant des tâches plus répétitives, d’où un risque élevé que leur emploi soit supprimé pour des raisons technologiques.

Il est plus que jamais primordial pour les femmes de briser le « plafond de verre ». Selon notre analyse, les différences sur le plan du caractère répétitif des tâches exacerbent l’inégalité de la rémunération entre les sexes. Même en tenant compte de facteurs comme les compétences, l’expérience et le choix de carrière, près de 5 % de l’écart salarial entre les femmes et les hommes est attribuable à la nature plus répétitive des tâches accomplies par les femmes. Aux États-Unis, cela se traduit par une perte nette de revenus de 26 000 dollars sur l’ensemble de la vie professionnelle d’une femme.

Tout n’est pas sombre cependant. Dans les pays avancés et les pays émergents, où le vieillissement de la population s’accélère, l’emploi augmentera vraisemblablement dans les secteurs à prédominance féminine comme la santé et les services sociaux. Dans ces secteurs, les emplois exigent des compétences cognitives et interpersonnelles qui se prêtent moins bien à l’automatisation. La gestion d’une population vieillissante exigera à la fois une augmentation de la main-d’œuvre humaine et un recours accru à l’intelligence artificielle, à la robotique et à d’autres technologies de pointe pour compléter le travail des travailleurs de la santé et stimuler leur productivité.

Des politiques efficaces

Les autorités doivent adopter des politiques de promotion de l’égalité des genres et d’autonomisation dans un milieu de travail en mutation :

  • Faciliter l’acquisition par les femmes de compétences recherchées. En intervenant tôt dans la vie des femmes pour les orienter vers des carrières dans les STIM, comme le fait le programme Girls Who Code aux États-Unis et comme le font ailleurs les programmes de mentorat par les pairs, il est possible de briser les stéréotypes sexistes et d’accroître la participation des femmes dans les disciplines scientifiques. L’octroi d’allégements fiscaux pour la formation offerte aux femmes qui appartiennent déjà à la population active (comme aux Pays-Bas) et la création de comptes de formation personnels portables (comme en France) peuvent contribuer à l’élimination des obstacles à l’apprentissage continu.
  • Combler l’écart de représentation entre les sexes dans les postes de direction . L’offre de services de garde à des prix abordables et le remplacement de l’imposition familiale par l’imposition individuelle (comme au Canada et en Italie) peuvent grandement contribuer à l’avancement professionnel des femmes. Les gouvernements pourraient imposer aux organisations des cibles de recrutement et de rétention, ou encore, imposer des contingents de promotion (comme en Norvège) et mettre en place des programmes de mentorat et de formation afin de favoriser la promotion de femmes à des postes de direction.
  • Combler le fossé numérique entre les sexes. Les gouvernements ont un rôle à jouer à cet égard en investissant dans les infrastructures et en garantissant un accès égal au financement et à la connectivité, comme le fait la Finlande.
  • Faciliter la transition des travailleurs. Les autorités peuvent venir en aide aux travailleurs forcés par l’automatisation de se réorienter en offrant à chaque travailleur à titre personnel de la formation et des avantages (comme les comptes de formation personnels de la France et de Singapour). Les filets de protection sociale devront aussi être adaptés à la nouvelle donne sur le marché du travail. Pour freiner la détérioration de la sécurité du revenu causée par les changements technologiques rapides, certains pays pourraient notamment réfléchir à la pertinence d’élargir l’accès aux régimes de rentes non contributifs et à l’adoption d’un programme de revenu minimum garanti.

Dans le contexte de l’automatisation, l’urgence de mettre en place des règles de jeu plus équitables s’accroît afin que les femmes et les hommes aient une chance égale de contribuer à la prospérité d’un monde de plus en plus tourné vers la technologie et d’en profiter.

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Era Dabla-Norris est chef de division au département des finances publiques du FMI. Elle travaille actuellement sur des questions ayant trait aux réformes structurelles et à la productivité, à l’inégalité des revenus, aux risques et aux effets de contagion budgétaires, et aux dynamiques budgétaires et démographiques. Depuis son arrivée au FMI, son travail a porté sur de nombreux pays avancés, émergents ou à faible revenu. Elle est l’auteure de nombreuses publications sur un large éventail de sujets.

Kalpana Kochhar est actuellement directrice du département des ressources humaines du FMI. Elle était auparavant directrice adjointe du département Asie et Pacifique du FMI. De 2012 à 2014, elle a aussi été directrice adjointe du département de la stratégie, des politiques et de l’évaluation du FMI. De 2010 à 2012, elle avait été chef économiste pour la région Asie du Sud à la Banque mondiale.

Au FMI, elle a dirigé des travaux sur le Japon, l’Inde, Sri Lanka, les Maldives, le Bhoutan et le Népal. Elle a aussi travaillé sur la Chine, la Corée, la Malaisie et les Philippines pendant son passage au département Asie et Pacifique. Elle a par ailleurs occupé diverses fonctions au département des études, au département de la stratégie, des politiques et de l’évaluation ainsi qu’au département des finances publiques du FMI.

Mme Kochhar se consacre surtout à l’étude des pays émergents, de l’emploi et de la croissance, dont les enjeux liés au genre et à l’inégalité, et aux réformes structurelles. Elle porte aussi un intérêt particulier à l’économie de l’Inde et d’autres pays asiatiques et a notamment publié d’importants rapports sur l’emploi, les inégalités et l’intégration régionale en Asie du Sud. Elle est titulaire d’un doctorat et d’une maîtrise en économie de l’université Brown et d’une maîtrise en économie de la Delhi School of Economics, en Inde. Elle détient en outre une licence d’économie de l’université de Madras, en Inde.